À propos

Clairvaux, abbaye dont on a fait une bastille,
cellule dont on a fait un cabanon,
autel dont on a fait un pilori.
Victor Hugo, Claude Gueux, 1834
Les murs gardent la mémoire !
Proverbe populaire russe

Savez-vous que nombre d’abbayes françaises ont été transformées en prisons à partir du début du 19e siècle ?
Avec le webdocumentaire Le cloître et la prison, les espaces de l’enfermement, découvrez comment les moines ont inventé la peine de prison et comment les monastères ont servi de modèle aux institutions d’enfermement punitif telles qu’elles existent encore aujourd’hui.

Laissez-vous guider par Jean-François Leroux, président de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux, pour une visite de Clairvaux (Aube), abbaye cistercienne fondée en 1115, transformée en prison sous Napoléon en 1808. Pendant plus d’un siècle et demi, les détenus ont remplacé les moines dans l’abbaye transformée en prison. En 1970-1971, ils ont déménagé dans la nouvelle maison centrale, édifiée au nord des anciens bâtiments monastiques, dont la fermeture est annoncée pour 2022.

Cette visite vous conduit dans neuf lieux-clés : mur, porte, bâtiment des convers, réfectoire, église, dortoir, grand cloître, quartier disciplinaire et infirmerie, auxquels s’ajoute le Petit Clairvaux, premier site d’implantation du monastère.

Le webdocumentaire part du cas exemplaire de Clairvaux. Mais il propose bien plus qu’une histoire de cette abbaye-prison, si emblématique soit-elle. Il entend vous éclairer sur l’histoire des espaces d’enfermement et sur leurs multiples transformations en France, comme en Europe, depuis le Moyen Âge jusqu’au début du 20e siècle.

Il mobilise plus de 300 documents historiques présentés et commentés (textes, enluminures, plans, photographies, etc.). Il se fonde sur l’idée qu’à travers l’espace et ses utilisations, monastère, prison, hôpitaux, maisons de discipline et autres institutions d’enfermement choisi ou subi s’inscrivent dans une histoire commune et sont liés entre eux par un ensemble de pratiques et de techniques se référant à l’espace.

Chaque lieu-clé du webdocumentaire (mur, porte d’entrée, bâtiments d’habitation, réfectoire, lieu de culte, dortoir…) explore une thématique caractéristique de ces différents espaces (protéger/enceindre pour le mur, entrer/sortir pour la porte, séparer/classifier pour le dortoir, etc.). Chacun invite à penser conjointement lieux d’enfermement volontaire et lieux d’enfermement contraint, au prisme de leurs proximités et de leurs différences.

Ce rapprochement se fonde sur deux convictions. La première : l’enfermement pénal n’est pas une invention de la modernité mais il s’inscrit dans une longue histoire, fortement marquée par l’emprisonnement dans les monastères de l’Occident médiéval des moines et religieuses coupables de fautes graves. La seconde : la vie en milieu clos peut poursuivre des objectifs multiples et servir des usages punitifs ou préventifs, séculiers ou spirituels, coercitifs ou charitables…

Les lieux d’enfermement ont fait l’objet de multiples transformations et réutilisations. Ces évolutions sont au cœur de ce que souhaite montrer le webdocumentaire. Car, au fil du temps, la forme architecturale du cloître est devenue un puissant archétype de l’enfermement, y compris dans sa forme pénale.

C’est donc par l’espace que ce webdocumentaire entend saisir l’histoire des différents modes d’enfermement. Longtemps, l’espace a été pensé comme un simple contenant du pouvoir, une sorte de réceptacle à l’intérieur duquel se déroule la vie sociale. Désormais les sciences sociales l’envisagent comme l’ensemble des relations tissées entre les corps humains et les objets qui les entourent. L’espace est ainsi pensé comme un phénomène relationnel et dynamique, produit et reproduit par les pratiques sociales.

Les conséquences d’un tel changement de perspective sont importantes. Dans les travaux de Michel Foucault, notamment Surveiller et punir (1975), l’espace est façonné par les seules rigueurs du contrôle et de la surveillance. Ce webdocumentaire défend, quant à lui, une autre approche : celle d’un espace fabriqué par le jeu social, fût-il soumis à d’indéniables contraintes. Construit, cet espace est aussi régulièrement transformé ou détruit. Il change continuellement de forme et, surtout, il est l’objet d’appropriations et de transformations de la part de tous les acteurs de l’enfermement, des penseurs aux gouvernants, des administrateurs aux reclus, tous soumis à des structures qu’ils n’ont certes pas toujours choisies mais qu’ils contribuent à rendre vivantes. Nous proposons donc une vision renouvelée de l’histoire européenne des espaces de l’enfermement.

Le webdocumentaire est le fruit d’un projet de recherche engagé depuis 2009 qui s’intéresse plus largement aux rapports entre enfermements monastiques et carcéraux. Vous trouverez de plus amples informations à l’adresse suivante : http://enfermements.fr.

FB, JC, IHD et EL
à propos
Fast & Curious

Les auteurs

Falk Bretschneider
Falk Bretschneider
Historien moderniste, maître de conférences à l’École des hautes études en sciences sociales.
Il travaille sur l’histoire de l’enfermement dans l’espace germanique, en s’intéressant notamment aux aspects spatiaux des prisons modernes.
Sa thèse porte sur l’histoire des maisons de discipline (Zuchthäuser) en Saxe entre les 18e et 19e siècles.
Julie Claustre
Historienne médiéviste, maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Elle travaille sur l’histoire des prisons médiévales, particulièrement dans l’espace français.
Sa thèse porte sur l'histoire de l'emprisonnement pour dette à Paris aux 14e et 15e siècles.
Julie Claustre
Isabelle Heullant-Donat
Isabelle Heullant-Donat
Historienne du Moyen Âge, professeur à l’Université de Reims.
Elle travaille sur l’histoire culturelle et religieuse de l’Italie médiévale entre 12e et 15e siècle, notamment sur les religieux mendiants et le martyre à la fin du Moyen Âge.
Élisabeth Lusset
Historienne du Moyen Âge, chargée de recherche au CNRS.
Elle travaille sur l’histoire monastique et sur les justices d’Église en Occident entre 12e et 15e siècle. Sa thèse porte sur la criminalité au sein des monastères.
Élisabeth Lusset

Le guide

Jean-François Leroux
Jean-François Leroux
Président de l’association Renaissance de l’abbaye de Clairvaux.
Depuis plus de 40 ans, il se consacre à la défense et à la valorisation du site de l’abbaye-prison de Clairvaux.