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Le Petit Clairvaux

Le Petit Clairvaux

Le « Petit Clairvaux » correspond à la moitié ouest du site actuel de l’abbaye-prison où s’implante, au 12e siècle, le premier monastère de Clairvaux, appelé « vieux monastère » ou « Clairvaux I » par les historiens.

En 1115, l’abbé de Cîteaux, Étienne Harding, envoie Bernard de Clairvaux, six moines issus de sa parenté et six autres récemment entrés au monastère fonder une nouvelle abbaye sur des terres de la famille de Bernard : un cousin de son père, Josbert le Roux de La Ferté, les leur offre par donation. « Val d’Absinthe » est le nom de l’emplacement primitif du vallon où ces douze premiers moines s’installent, à 400 mètres à l’ouest du site actuel de l’abbaye (adopté en 1135 et inchangé depuis). Durant vingt ans, les moines mettent en valeur terres, prés et bois, le long d’un ruisseau et à proximité de deux sources.

L’apparence du premier monastère de Clairvaux n’est connue que par une description de 1517, réalisée lors de la visite de la duchesse de Lorraine et de Bar, Philippe de Gueldre, et par des plans et vues de dom Milley datés de 1708. L’abbaye se compose alors d’une chapelle en bois, d’un réfectoire, d’un dortoir, d’une cuisine et d’une hôtellerie. La chapelle, de plan carré et d’une surface intérieure de 90 m2, abrite des reliques de saint Bernard et demeure encore en usage jusqu’au début du 18e siècle.

Le Petit Clairvaux d’après une vue de l’abbaye de 1708
Vue de l’abbaye de Clairvaux depuis l’ouest par dom Milley, 1708
Source : Troyes, Médiathèque du Grand Troyes, carteron 1, vue 4.

En 1135, la construction de nouveaux bâtiments conventuels (appelés « Clairvaux II » par les historiens), un peu plus à l’est dans le même vallon, n’entraîne pas l’abandon du site primitif. L’ordre cistercien imposant aux moines de « tirer subsistance de leurs mains, de la culture de la terre et de l’élevage de troupeaux » (Instituta generalis capituli, chapitre 5), les abbayes cisterciennes sont enserrées dans des domaines agricoles qui doivent assurer leur autosubsistance. Certes, dès la fin du 12e siècle, ce principe est profondément remis en question, mais les implantations cisterciennes conservent souvent le même cadre, de sorte qu’une abbaye ne se conçoit pas sans jardins ni parcelles cultivées à proximité. Tout au long de l’histoire monastique de Clairvaux, son domaine, vaste d’une quinzaine d’hectares, est utilisé pour l’installation de dépendances : granges, écuries, boucherie, four à tuiles, briqueterie, poulaillers, mais aussi hôtellerie pour l’accueil des visiteurs et auditoire pour l’exercice de la justice. En 1792, l’acte de mise aux enchères de l’abbaye comme bien national décrit le « Petit Clairvaux » comme « une avant-cour fort spacieuse, dans laquelle sont différents bâtiments servant de logement et de chantiers à plusieurs artisans, chapelle servant de paroisse, thuillerie (sic), nitrière (salpêtrière), fontaines, canaux, jardins, terrasse emplantée d’arbres fruitiers » (ADA 1 Y 1).

Le Petit Clairvaux sur un plan de 1821
On y distingue la « source principale » (3), l’« ancien auditoire » (5) ; la « poste » (6), les logements de militaires (7), le four (8), le bûcher (9), le lavoir (10), le logement de gardiens (11) et l’auberge (15).
Source : Troyes, ADA 2 Y 9.

La transformation de l’abbaye en prison au début du 19e siècle ne change guère la destination du site du Petit Clairvaux : des plans datés de 1821 et 1825 y placent des logements de militaires et de gardiens, mais aussi une auberge, un four, un lavoir, un bûcher, une écurie, une poste, le chantier des charpentiers et des jardins.

Le Petit Clairvaux sur un plan de 1825
On y distingue la source et le « ruisseau St Bernard », l’« ancienne boucherie », le « chantier des charpentiers », les « ateliers de l’entrepôt des constructions », l’« auberge » et divers « jardins », formant un espace annexe à la prison.
Source : Troyes, ADA 2 Y 7.

Le Petit Clairvaux est l’un des multiples espaces de la prison où les détenus travaillent (jardinage et autres tâches). En 1808, le sous-préfet de Bar-sur-Aube suggère d’y établir une « pépinière d’arbres forestiers ».Dans les années 1840-1842, il est question d’y installer une colonie pénitentiaire agricoleColonie pénitentiaire agricole : en France, établissement pénitencier pour mineurs, apparu dans la première moitié du 19e siècle, visant à punir ou redresser moralement les mineurs délinquants en les séparant des adultes, à les éduquer ou les rééduquer en leur apprenant un métier. La première colonie agricole pénitentiaire pour enfants a été fondée en 1839 à Mettray, près de Tours. La loi du 5 août 1850 sur l’« éducation et le patronage des jeunes détenus » officialise et généralise les colonies pénitentiaires, qualifiées en fonction de leur vocation : agricoles, industrielles (Aniane), horticoles (Ajaccio) ou encore maritimes (Belle-Île-en-Mer). pour les prisonniers mineurs. Ce projet n’aboutit pas mais, vers 1851, des enfants détenus y sont employés à l’aménagement d’une avenue plantée menant de la porte occidentale extérieure du site à la porte principale intérieure de la prison.

Allée arborée
Allée reliant la porte occidentale de l’enceinte à la porte intérieure de la maison centrale (au fond de la photographie). Cette allée, aménagée par des détenus mineurs au milieu du 19e siècle, jouxte le Petit Clairvaux, situé à droite de la photographie.

Le Petit Clairvaux est ainsi une vaste zone intermédiaire entre le cœur de l’espace clos et l’extérieur : il sert notamment aux déplacements de part et d’autre de la clôture.