Dans la maison centrale de Clairvaux au 19e siècle, trois types de lieux servent successivement à isoler les détenu(e)s les plus récalcitrants et à les punir : des cachots, un « quartier des turbulents », puis un « quartier disciplinaire » ou « cellulaire ».
Les cachots sont aménagés dès l’ouverture du quartier des criminels en 1817. Enfermés dans ces lieux exigus, les détenus peuvent y être attachés par des carcans et des chaînes. Le règlement intérieur réserve la peine du cachot aux délits les plus graves. Ainsi, en juin 1823, elle sanctionne les auteurs d’une insurrection et d’un projet d’évasion.
Le séjour dans ces cachots insalubres, étroits, sombres et situés, pour certains, sous le niveau du sol est particulièrement pénible, comme en attestent des rapports établis en 1830.
En dépit des réserves de certains directeurs de la maison centrale, les cachots, toujours visibles au rez-de-chaussée du grand cloître, restent en usage jusque dans les années 1960. Leur existence ne paraît pourtant pas suffire. Dans une prison qui compte près de 2000 détenus des deux sexes dans les années 1820, le directeur propose au préfet de l’Aube, le 23 mai 1831, l’aménagement au nord-est du grand cloître d’un quartier réservé aux « turbulents » afin de séparer les détenus les plus remuants des autres : les fauteurs de troubles sont donc regroupés dans une section du bâtiment principal de la prison où ils ont leurs ateliers, leurs dortoirs, leurs réfectoires et leurs lieux de promenade.
Enfin, dans les années 1860, un « quartier disciplinaire » est édifié qui sert à la fois de lieu de punition pour les détenus de Clairvaux considérés comme de « mauvais sujets » et de quartier d’isolement pour des condamnés de tout le pays, tenus pour dangereux. L’un de ses premiers occupants est le socialiste Auguste Blanqui qui y demeure près de huit mois en 1872-1873.
Ce quartier est connu des détenus des 20e et 21e siècles sous le nom de « Villa Suchet », peut-être d’après le nom d’un surveillant spécialiste du mitard, si l’on en croit le récit fait par le détenu Henri Le Lyonnais au début des années 1970.
Construit à l’est du grand cloître, à l’écart des lieux de détention communs, le quartier disciplinaire consiste en une double enfilade de petites cellules de moins de 4 m2. Il est doté de cours de promenade individuelles disposées en forme de portion de camembert. Cette forme, que l’on retrouve à la même époque dans les prisons de la Petite Roquette (1836) et de Mazas (1850) à Paris, comme de Pentonville à Londres (1842), permet la surveillance de toutes les cours par un seul gardien, selon le principe du panoptiquePanoptisme : (du grec pān pour « tout » et d'optikó pour « ce qui se réfère à la vue ») consiste à rendre possible, au moyen de dispositifs architecturaux, la surveillance d’un grand nombre de personnes par le regard d’une seule. Développé par le philosophe anglais Jeremy Bentham à la fin du 18e siècle, ce principe a été appliqué principalement dans le monde carcéral et, dans une moindre mesure, dans les hôpitaux, usines ou casernes, par exemple..
La création du quartier cellulaire de Clairvaux manifeste la remise en cause du modèle de l’enfermement collectif considéré par les réformateurs comme la cause des épidémies, de la récidive et de l’homosexualité.